Présentation

Cette « heure française » s’ouvre, abrupte, sur la sonate pour violon et piano de Francis Poulenc, composée en 1942/43 en la mémoire du poète et dramaturge espagnol Federico Garcia Lorca. Pourtant, Poulenc avoue qu’il « n’aime pas le violon au singulier » et cette sonate naît laborieusement, après plusieurs tentatives infructueuses et sous l’impulsion de la violoniste Ginette Neveu qu’il ne veut pas contrarier et qui lui donnera beaucoup de conseils sur la partie violonistique. L’accueil de cette sonate, tragique et sarcastique à la fois, violente mais langoureuse, est très sévère et elle ne sera appréciée et défendue que bien plus tard.
« Longue et lente promenade, par ce triste soir de printemps, aux abords de la place des Vosges. Retour par la rue de Rivoli jusqu’aux jardins du Carrousel. Assis sur un banc, je me revoyais en ce même lieu, jadis, griffonnant à la lumière de la lune un certain Nocturne pour le violon. Peu à peu, le motif de ce morceau, que je chantais intérieurement, a fait surgir du fond de ma mémoire bien des visages disparus et je suis resté très longtemps à rêver ainsi au passé, seul dans l’ombre, entouré d’Ombres … » Ces mots sont tirés de Notes, journal d’un musicien écrit par Reynaldo Hahn en 1933. L’homme de quarante ans, qui pressent la tourmente de la guerre à venir, pose un regard nostalgique sur un temps révolu, furtivement ranimé par le souvenir de cette œuvre. Publié en 1906 chez Heugel, le Nocturne pour violon et piano prend la forme d’un parcours introspectif et intime qui s’étire comme un doux rêve entre la violence sarcastique de la sonate de Poulenc et le chant épanoui de celle de Fauré.
La Sonate pour violon et piano n°1 de Fauré est écrite en 1875-76 ; il s’agit de la première incursion du jeune compositeur dans le domaine de la musique de chambre. Cette œuvre symbolique constitue le point de départ de la nouvelle musique de chambre française, ouvrant la voie à toute une série de sonates chez des compositeurs comme Franck, Lekeu, Pierné … Ecrite comme un véritable duo, elle constitue un pilier du répertoire de chambre et vient clôturer ce programme dans la lumière et l’élégance, à la française.

Manon Galy