Présentation

Depuis sa naissance au XVIIIe siècle, le quatuor avec piano a su séduire de nombreux grands compositeurs. Bien que moins usitée que le trio avec piano ou que le quatuor à cordes, cette formation doit surtout son succès à sa composition originale. Le piano peut dialoguer avec le trio à cordes, ou avec le violon, l’alto ou le violoncelle individuellement, qui endossent alors un rôle de soliste similaire à celui de la sonate.
Cette versatilité constitutive de la formation en justifie sans doute l’attrait des compositeurs, et explique le fait que le répertoire du quatuor avec piano puisse compter parmi les plus belles pages de la musique de chambre.
Considérées comme les premières œuvres majeures pour quatuor avec piano, les deux quatuors de Mozart, écrits respectivement en 1785 et 1786, ont grandement contribué à asseoir l’intérêt et la richesse de cette formation pour la postérité. Ils présentent tous deux une construction en trois mouvements, sans menuet, ce mouvement ne s’étant pas encore généralisé à l’époque dans l’ensemble de la musique de chambre (on ne les trouve que dans les symphonies et dans la plupart des quatuors à cordes). Le premier, que nous vous proposons, est écrit dans la tonalité grave et sévère de sol mineur, dont Mozart tire dès les premières notes du premier mouvement toute l’implacable rigidité, avant de conduire l’auditeur dans un deuxième mouvement d’un grand lyrisme, aux aspects d’un mouvement lent de concerto pour piano, puis dans un rondo final enjoué et festif, très caractéristique de ses habituels derniers mouvements.
Dans son quatuor Ronda, écrit en 1984, le compositeur italien Franco Donatoni, comme dans nombre de ses œuvres contemporaines, déploie dans son entièreté son mode de composition qu’il a lui-même nommé « indeterminisme ». Par l’emploi du traitement combinatoire de motifs rythmiques et intervalliques enchaînés et superposés par un jeu sériel automatique, la musique de Donatoni frappe par son extrême complexité, mais l’effet rendu par le geste global n’en reste pas moins celui d’une fougue rythmique imperturbable et perpétuelle.
Le Quatuor avec piano de Robert Schumann, composé en 1842, est né au cœur d’une période très productive pour le compositeur. Il est contemporain de son Quintette avec piano, écrit lui aussi en mi bémol majeur. Comme dans toute l’œuvre de Schumann ce quatuor frappe par la pluralité de caractères rencontrés, s’enchaînant avec une singulière rapidité, allant de la grâce presque classique du premier mouvement à l’exaltation du final, en passant par le lyrisme amoureux du troisième mouvement ou l’impétuosité du deuxième. Schumann montre encore ici son extrême ingéniosité compositionnelle, notamment dans les nombreux passages fugués du dernier mouvement, demandant une rigueur d’écriture absolue, et dont l’un conclut d’ailleurs le quatuor dans une fin triomphante, rappelant les plus grandes apothéoses terminant les fugues de Bach pour orgue.